Mise en valeur de la seigneurie de Bugarach
Le document ci-dessous est intéressant à plus d'un titre.
On y découvre comment le seigneur de Bugarach s'y prenait pour percevoir les revenus de cette seigneurie. Estimant qu'elle devait lui rapporter annuellement 2400 livres il l’afferme pour cette somme à deux riches habitants du village qui, à terme fixe, le payent et lui livrent les produits en nature spécifiés dans le contrat. Le système est avantageux pour le seigneur assuré de recevoir ses revenus tout en étant débarrassé de leur perception. De leur côté les deux preneurs vont se charger de récupérer avec un bénéfice conséquent les 2400 livres payées au seigneur auprès de la population de Bugarach et de Sougraigne. Les paysans supportent le poids de l'opération, ils paient à la fois l’impôt du au seigneur et les bénéfices que s'octroient les intermédiaires. En outre si le paysan ne peut payer son dû, il est contraint d'emprunter, le plus souvent auprès de ces mêmes intermédiaires qui avancent l'argent ou les produits à livrer réalisant ainsi de nouveaux profits.
Le contrat est très précis sur chacun des articles qu’il contient.
On remarquera que la métairie de «l’Eau salée » et la verrerie du Bourasset sont exclues du contrat ainsi que le droit de rendre la justice.
L'exploitation des mines de jayet est, par contre, affermée. Elle est réglementée, les profits qui en résultent sont en partie responsables du montant global de l’afferme.
Il faut relever la faiblesse de l'outillage disponible sur les terres exploitées au profit du seigneur puisque le poids de l'ensemble des instruments en fer est de 54 livres (une vingtaine de kilos).
2 juin 1738 afferme la seigneurie de Bugarach
« L'an 1738 et le second jour du mois de juin dans Saint-Paul de Fenouillet au diocèse d'Alet sénéchaussée de Limoux après-midi par devant le notaire royal soussigné et témoins bas nommés constitué en personne Messire Jean-François Coutaud chanoine du chapitre collégial de la présente ville procureur fondé de messire Claude de Montesquieu marquis de Roquefort, seigneur de Coustaussa, Bugarach et autres places .... Lequel en sa qualité a baillé en afferme et arrentement aux sieurs Joseph Andrieu et Joseph Barthe habitants du lieu de Bugarach ici présents et acceptants savoir est la place, terre, seigneurie du dit Bugarach Sougragne et leurs dépendances consistant en château, pigeonniers, couverts, métairies, jardins, prés, moulins, lods, agriers, censives, terres labourables, mines de jayet, pour lequel jayet ne pourra être ouverts plus de six trous et ne pourra être mis plus de 36 hommes pour travailler en iceux. Laquelle afferme est faite pour le temps et terme de six années qui commenceront à courrir du 1er novembre prochain et à pareil jour finiront six années complètes et révolues et six récoltes prises et perçues aux conditions suivantes :
- que le sieur Coutaud au nom dudit seigneur s'a réservé la justice, la verrerie du Bourasset et la moitié du château.
- que les fermiers seront comme ils s'obligent de tenir les dits biens en bons ménagers et pères de famille de les améliorer et non détériorer et ne pourront faire récolte sur récolte.
- que les preneurs seront tenus généralement à toutes sortes de réparations tant des couverts, moulins, terres que toutes autres en quoi qu'elles puissent consister à la réserve seulement des meules du moulin et rupture des chaussées que le seigneur sera tenu de faire.
- que ledit seigneur sera tenu et obligé de mettre le tout en état et de faire toutes les réparations nécessaires tant aux couverts, moulins, château, métairies, paillés, courtals dont du tout sera fait un état par des maîtres lequel sera fait double et signé des preneurs et de celui qui aura droit et cause dudit seigneur pour à la fin de ladite afferme être le tout laissé dans le même état qu'ils l'auront trouvé.
- que les dits preneurs seront tenus de laisser la métairie de la Font Salée à Pierre Rousset qui l’a affermée au dit seigneur de Roquefort pour six années c'est-à-dire que les preneurs pendant le temps de ladite afferme ne pourront retirer de ladite métairie de la Font Salée que la somme de quarante quatre livres argent et six cestiers que ledit Rousset paye pour l’afferme de ladite métairie et laquelle somme et grain ledit sieur Coutaud en la susd qualité indique les dits preneurs à prendre sur ledit Rousset.
- laquelle afferme est faite aux dits Andrieu et Barthe pour le prix et somme de 2400 livres, cent cinquante gélines, quarante quintaux de foin, cinquante livres ail, un quintal linet du pays, trois livres mousserons secs et de tête, un cochon de valeur de trente livres ou trente livres argent pour la valeur du dit cochon le tout pour une chacune des six années payables savoir ladite somme de 2400 livres en trois paiements égaux dans le premier sera aux fêtes de la Noël prochain, le second à Pâques, et le troisième à la fête de Saint-Michel de septembre d'une chacune année, les gélines et linet à la Toussaint et les mousserons à la fête de saint Jean-Baptiste et le foin quand ils en seront requis pendant le cours de l'année et le cochon ou les trente livres pour la valeur d'icelui aux susdites fêtes de la Noël. Le tout porté et rendu aux termes susdits, au château de Coustaussa aux frais et dépens des preneurs.
- que les preneurs seront tenus comme ils s'obligent de laisser à la fin de ladite afferme toutes les pailles et autres pastures qui se recueilleront à ladite afferme lesquelles pastures pendant le cours de ladite afferme seront consommées dans les couverts du seigneur et le fumier provenant d’icelles sera porté aux terres dépendantes de ladite afferme.
- les preneurs seront tenus à la fin de ladite afferme de laisser la quantité de cent vingt sept brebis savoir dix sept primales, vingt trois tersonnes, trente huit de quatre ans, trente bourrègues qui ne marquent point. Plus quatorze chèvres savoir trois primales, sept de quatre à cinq ans, trois de trois ans et une de six. Plus cinquante quatre livres fer en outils, une paire de juilles de valeur de quarante cinq sols, deux bœufs de valeur de soixante livres une vedelle et un brau de valeur de quarante six livres.
- seront en outre tenus les preneurs de laisser à la fin de ladite afferme la quantité de cinquante quatre cestiers une cartière de blé beau et bien purgé, deux cartières orge, et une cartière purges, le tout mesure de Bugarach. Tout lesquels bestiaux, fer en outils juilles et grains les dits preneurs le retireront du sieur Ferran à présent fermier du dit Bugarach lequel s'est obligé de remettre le tout ainsi qu'il se justifie de l’acte d’afferme en date du 9 octobre 1726 et de la prorogation d'icelui du 4 janvier 1732 retenu par Siau notaire d'Espéraza.
- a été convenu qu'à faute par les dits preneurs de payer le prix de ladite afferme au temps et terme susdits il sera loisible au seigneur de Roquefort de mettre ladite afferme à la folle enchère aux frais et dépens des preneurs et ce sans autre formalité de justice à laquelle clause les dits preneurs se sont par exprès soumis et sans laquelle le présent n'aurait pas été fait, a été convenu que quoi qu'il soit dit ci-devant que le tout doit être porté et rendu au château de Coustaussa cependant le foin sera pris dans le dit du lieu de Bugarach et tout le surplus rendu au château de Coustaussa comme dit est. Promettant ledit sieur Coutaud en la qualité que procède tenir aux cas fortuits ainsi et tout de même que Messieurs du chapitre Saint-Paul tiennent à leurs fermiers du dit Bugarach et conformément aux articles dressés par lesdits sieurs du chapitre desquels les dits preneurs ont dit avoir pleine connaissance ayant été par ci-devant fermiers du dit chapitre ...
Signé Pépratx. »
(AD 11 Fonds Montesquieu)
Notes
Les troupeaux d’ovins se composent essentiellement de brebis. Les agneaux mâles sont vendus au boucher pour ne conserver que les éléments reproducteurs.
Selon l'âge on distingue : les bourrègues ce sont les brebis de moins d'un an dont la première laine très bouclée est de moindre valeur marchande. Elle est connue sous le nom occitan de « las anissas » dont l'équivalent français est laine agneline.
Les primales sont les jeunes brebis qui mettront bas pour la première fois.
Les tersonnes en sont à leur seconde portée.
Les brebis de quatre ans sont parfois désignées sous le nom de quatrencas.
Passés les cinq ans les brebis sont dites « hors d'âge ». La « bêrta » ou « torriga » désigne la brebis stérile.
Les juilles (julhas en occitan) sont des longes de cuir utilisées pour maintenir le joug sur la tête des boeufs ou des vaches
Bédelle et brau c’est à dire génisse et bouvillon
Six ans plus tard le 17 août 1744 le bail est renouvelé à Joseph Barthe pour une période de neuf ans devant Me Roland notaire de Tuchan (AD 11). Les conditions sont identiques à celles du bail précédent à l'exception du montant du fermage qui est passé de 2400 à 2700 livres.
Cette augmentation de 12,5% de la rente est surprenante au cours d'une période caractérisée par la stabilité des prix. L’explication en est simple. Le seigneur de Bugarach tire profit de la rivalité sans merci que se livrent, à ce moment là, Joseph Barthe et Joseph Ferran, deux bourgeois de Bugarach, pour obtenir l'afferme de la seigneurie.
Mais, en fin de compte, ce sont toujours les paysans qui feront les frais de l'affaire, puisque leurs cotisations augmenteront dans des proportions certainement bien plus élevées.